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Série L'Instit

« Ce n'est pas moi qui ai créé le personnage et je ne fais qu'écrire les livres à partir des scénarios. Mais c'est vrai que c'est un instit selon mon cœur… Une utopie vivante, cet homme-là ! Je précise tout de même que l'Instit qu'on lit dans mes livres n'est pas tout à fait le même que celui qu'on voit à la télé. Il m'arrive régulièrement, quand je regarde la série, d'être très fâchée. Je trouve l'Instit ramollo, à toujours tenter de ménager la chèvre et le chou, même dans les scènes insupportables. Je lui ai donné un autre caractère dans les livres. Je le fais mettre en colère, enguirlander les gens. Ça ne lui arrive jamais à l'écran. »

 

Gudule, propos recueillis par Thierry Lenain, Citrouille, 1999.

L'Instit est une série télévisée franco-suisse en 46 épisodes de 90 minutes conçue par Pierre Grimblat (producteur) et Didier Cohen (scénariste), coproduite par Hamster et France 2 et diffusée du 17 février 1993 au 26 janvier 2005 sur France 2.

 

La série a été créée sur une idée de François Mitterrand qui souhaitait transmettre des valeurs civiques par l'intermédiaire d'une fiction. La série présente en effet, sous un jour favorable, l'enseignement défendu et mis en œuvre par son héros : « Aucun de mes élèves n'est en échec scolaire. Il est important qu'ils puissent tous apprendre à apprendre, et mon enseignement doit leur profiter à tous, sans exception » (Saison 1 - épisode 2).

 

Victor Novak (incarné par Gérard Klein), ancien juge pour enfants, est tardivement devenu instituteur. Effectuant des remplacements à travers toute la France, il est à la recherche de sa femme et de sa fille qui l'ont abandonné.

 

Il se trouve, dans chaque épisode, confronté à un problème concernant un enfant et débouchant sur un sujet de société : illettrisme, enfants battus, chômage, immigration clandestine, séropositivité, refus de scolarisation, homoparentalité, etc.

 

Diffusée pour son premier épisode le 17 février 1993 sur France 2,  la série a été un des grands succès de création française à la télévision. L’Instit a su captiver les parents comme les enfants : le sondage de Télérama sur les émissions préférées des jeunes la plaçait aux premiers rangs.

 

La série associait pédagogies (dans le choix des textes et leur traitement) et  réalisme (par le reflet crédible qu’elle offre de notre société). L'acteur Gérard Klein s’était énormément investi dans ce rôle de pédagogue "nouvelle manière" jusqu’à en être le symbole.

Interviews croisées de Gudule et de Didier Cohen *

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Instit, un héros d’aujourd’hui

 

Chaque ouvrage de la série en Bibliothèque Verte met en avant un enfant confronté aux problèmes dela société d’aujourd’hui (exclusion, échec scolaire, problèmes familiaux, angoisse d’un avenir incertain, etc.) auquel Victor Novak apporte en particulier son aide. Victor Novak, "l’instit remplaçant", est le héros moderne qui délivre un message d’espoir en incarnant les valeurs auxquelles aspirent les années 90 : le dialogue, la confiance, le respect, l’écoute d’autrui, la solidarité, la lutte contre l’échec et l’exclusion sous toutes leurs formes. Le mythe du héros est ainsi réactualisé.

 

Victor Novak est un héros

… et un justicier qu sème le bien partout où il passe : on ne sait pas d’où il vient ni où il va quand il disparaît. Il est un humaniste qui refuse de baisser les bras face aux problèmes individuels engendrés par les imperfections de notre société.

 

L’Instit a quelque chose d’Ulysse :

Sa vie semble n’être qu’une éternelle errance régulièrement marquée par des étapes où il doit affronter des situations périlleuses, desquelles il sort vainqueur, grâce à son intelligence, son discernement et cette aura singulière qui transforme le chaos en harmonie. Plus qu’un instituteur, Victor Novak se présente comme un grand frère et entretient une grande complicité avec ses élèves. S’il leur enseigne comment déchiffrer un livre, il leur apprend aussi et surtout à comprendre les autres au lieu de les juger.

 

Son mode d’enseignement est inédit :

Jamais coupés du réel, ses cours sont autant de clés offertes aux enfants pour comprendre le monde où ils vivent, et s’y intégrer dans l’harmonie. D’ailleurs, mieux qu’un instituteur, c’est un "instit".

 

Les notions de Bien et de Mal sont ainsi redéfinies :

Les méchants ne le sont qu’en apparence car ils cachent des souffrances et leurs comportements trouvent des circonstances atténuantes (par exemple, le grand-père de Sandrine dans Une seconde chance) et les gentils ne sont pas exempts de tout reproche (comme la mère très dévouée de Thomas dans Le Mot de passe).

 

Ce justicier qu’est l’Instit…

se présente sous les traits d’un homme simplement humain. Héros de cette fin de siècle, ils se déplace non pas sur son blanc coursier mais sur une moto.

 

Il cache une force…

et une rigueur rares derrière une apparence d’aimable décontraction. Séduisant et de belle prestance, il quitte rarement son blouson de cuir, parle librement avec chaleur et simplicité et préfère recourir à l’humour plutôt qu’aux remontrances moralisatrices.

 

L’immense succès…

de cette série télévisée est significatif de la transformation actuelle du héros ainsi que de l’évolution du goût et des désirs des enfants. Ils ont plus que jamais besoin de connaître et de comprendre, et veulent un héros vraiment poche d’eux qui puissent leur expliquer "Pourquoi". Qui puisse leur expliquer des choses simples de la vie mais parfois si difficiles à communiquer tant le poids des préjugés demeure présent dans notre société. Qui, mieux qu’un instituteur, tout entier dévoué à ses élèves, prêt à adapter sa pédagogie aux publics les plus divers, peut parler avec clarté, finesse et vérité des implications du divorce, de la maladie, de la douleur ou de la solitude ? Son objectif est d’aider les enfants à prendre confiance et à s’épanouir. C’est ce qui confère une nouvelle dimension au héros Victor Novak.

 

C’est peut-être la première fois qu’un héros est aussi proche de la société, dont il parvient à combattre les dysfonctionnements les plus inadmissibles et les plus révoltants, sans pour autant jamais en transgresser les règles. Tout le paradoxe de son intention et de son action peut être résumé dans cette phrase de Gudule tirée d’Une seconde chance : « Ce qu’on lui demande est une entorse sévère au règlement, mais en même temps refuser serait inhumain.»

 

Néanmoins le jeune lecteur ne va pas s’identifier au héros-adulte, mais aux élèves de sa classe. Thomas dans Le Mot de passe est le véritable héros de l’histoire : n’a-t-il pas réussi, grâce à Novak, qui assume là un rôle de catalyseur, à accepter son handicap physique et à en tirer une force secrète et unique ? La caractéristique de Victor Novak est d’être le héros qui révèle la capacité d’héroïsme qui sommeille en chacun des enfants. C’est cette générosité et cette noblesse d’âme qui font de L’Instit un authentique héros moderne.

 

Sur sa vie personnelle

On ne sait presque rien, si ce n’est qu’il a été juge pour enfants et qu’il a choisi l’enseignement parce qu’il préfère s’occuper des enfants à l’école plutôt que dans un tribunal, et qu’il a souffert du départ de sa femme et de sa fille qui l’ont abandonné. Cette douleur qu’il a su dépasser lui permet de comprendre la détresse des individus et de résoudre en particulier celle des enfants. Victor Novak demeure toutefois un personnage impénétrable. Et ce mystère qui l’entoure contribue à faire de lui un héros charismatique.

 

L’aventure humaine se situait  au cÅ“ur de la collection. Laurence Decréau, responsable éditoriale de la Bibliothèque Rose et de la Bibliothèque Verte, souligne "qu’avec ce nouveau cycle romanesque, la Bibliothèque Verte réaffirme sa vocation première : instruire et divertir les jeunes par des aventures qui les ouvrent au monde. Héros des temps modernes, Les Médecins de l’Impossible incarnent un grand mythe d’aujourd’hui, celui de l’action humanitaire".

 

C’est dans cette lignée que s’inscrit l’apparition de la série L’Instit en 1995 dans la Bibliothèque Verte. L’Instit, série télévisée dont le héros s’appelle Victor Novak, incarné par l’acteur Gérard Klein, remporte un succès unanime aussi bien auprès des enfants que des parents, des écoliers que des enseignants. L’idée d’une adaptation romanesque s’est ainsi imposée, naturellement, comme une évidence. L’Instit est bel et bien une série d’aventures. Victor Novak répand cette valeur fondamentale qu’est la tolérance, en réussissant à rendre solidaires tous les enfants au sein de l’espace privilégié que représente l’école. Point de départ de chaque histoire : un incident plus courant qu’on ne pourrait le croire mais qui plonge un enfant dans une situation douloureuse…

 

Une petite orpheline, élevée par ses grands-parents retrouve son père mais n’a pas le droit de le voir (Une seconde chance). Un garçon devient hémiplégique à la suite d’un accident de la route (Le Mot de passe). Une classe de CES sombre dans l’échec scolaire, voire la délinquance (Vanessa la petite dormeuse). Un enfant est battu par son père dans une indifférence générale (Concerto pour Guillaume)

 

L’histoire se termine toujours bien, grâce à la lutte menée par l’Instit et les enfants contre les préjugés et le désespoir.

 

L’aventure est toujours différente : Victor Novak étant un instituteur itinérant, chaque histoire se situe dans un contexte spécifique, autant social, psychologique que géographique. Le panorama de cette France, rurale ou urbaine est campé, à partir des scénarios des téléfilms, par Gudule.

 

 

 

De la série télévisée au livre : comment s’effectue l’adaptation romanesque de L’Instit ?

 

L’Instit, série phare…

de France 2 depuis 1992, coproduite par la chaîne publique et par Hamster Productions, est d’ores et déjà une "série culte" à en croire les records d’audience qu’enregistre chaque épisode, le mercredi soir, en prime time. C’est un téléfilm à l’excellence incontestée, salué à l’unanimité par la critique, par l’ensemble des professionnels (L’Instit a obtenu entre autres le 7 d’Or de la meilleure série télévisée) et par le grand public. Si cette série bénéficie d’un tel succès, c’est qu’elle réconcilie le populaire et la "grande qualité".

 

Les difficultés de l’adaptation romanesque :

L’adaptation s’effectue en respectant aussi bien l’esprit de la série télévisée que celui de la collection Bibliothèque Verte. Mais cette adaptation a dû prendre en compte deux problèmes. Le premier est d’ordre technique : en effet, le fonctionnement d’un roman n’est pas le même que celui d’un film, notamment en ce qui concerne le rythme et la structure. Il faut aussi traduire par l’écriture tous les effets que la technique cinématographique peut produire grâce aux travellings, aux plans fixes, aux procédés de zoom et contre-zoom.

La seconde difficulté est un problème de public. La série télévisée, tous publics s’adresse d’abord aux adultes, même si elle plaît aussi aux enfants, tandis que la Bibliothèque Verte vise un public exclusivement jeune, de 9 à 12 ans environ. À la télévision, le héros-adulte, Victor Novak, est au cÅ“ur de l’histoire dont les diverses étapes sont perçues essentiellement à travers le regard des adultes : l’instituteur, les parents ou plus généralement les "représentants de l’autorité". En revanche, dans chaque roman, tout le processus de lecture repose sur l’identification du jeune lecteur à l’enfant-héros.

 

L’adoption du point de vue de l’enfant :

Les romans de la série adoptent le point de vue de l’enfant à partir duquel se construit toute la trame dramatique. C’est pourquoi, l’écriture gomme toutes les scènes peu adaptées à des enfants (parce que trop complexes ou trop éloignées d’eux) de manière à élaborer un récit parfaitement équilibré, au rythme soutenu d’un bout à l’autre et constitué de scènes fortes.

 

Chaque récit de L’Instit est une histoire, avec un héros, dont le jeune lecteur épouse les intérêts :

Ce sont les nombreuses plongées dans les pensées et les sentiments des enfants-héros qui permettent plus d’intimité dans la relation entre le jeune lecteur et le jeune héros. Chaque roman est donc articulé autour d’une dizaine de moments forts, étapes clés du parcours menant le jeune héros d’une situation initiale problématique à un dénouement heureux de l’histoire. Le héros en crise qui au début traduit son malaise par de l’agressivité, ou de la provocation devient un enfant apaisé et bien intégré au groupe scolaire, à l’issue d’un épisode d’une intensité dramatique maximale.

 

 

 

 

 

* Didier Cohen est le créateur du personnage et du concept de la série télévisée L'Instit avec Pierre  Grimblat. Il est l'auteur de la bible et scénariste sur  une douzaine d'épisodes de la série.

 

Avez-vous lu la Bibliothèque Verte quand vous étiez enfant ?

 

G. : Oh oui alors ! J’étais fan de Jules Verne, de Jack London et de James Olivier Curwood.

 

D.C. : Oui, un peu, la série Michel notamment. Mais mon héros favori, à 12 ans, était Bob Morane. D’abord en raison de ses superbes aventures : il voyageait partout dans le monde, et moi, je ne bougeais pas… Et surtout, c’est un héros un peu comme L’Instit. Solitaire… Un héros qui représente une morale, une conduite dans la vie, qui nous renvoie à des valeurs universelles. Un héros invincible aussi… bref, un héros mythique.

 

 

Que pensez-vous de la présence de L’Instit dans la Bibliothèque Verte ?

 

G. : Je trouve que c’est une excellente idée. On glisse de l’aventure tout court à l’aventure humaine. Je me rends compte que les aventures qui intéressent le plus les jeunes, ce sont celles qui parlent d’eux-mêmes, et L’Instit trouve un créneau idéal dans la Bibliothèque Verte. D’autant plus qu’il est vraiment un héros d’aujourd’hui, c’est-à-dire plein d’humanité : il a un rôle de révélateur, par lui passent les problèmes et les résolutions. D’ailleurs ce qui est très intéressant, c’est qu’on fait en sorte qu’il passe au second plan, derrière le héros-enfant. C’est toujours l’enfant avec ses propres problèmes et ses spécificités qui est le héros : on a donc à chaque fois un vrai livre différent. Quant à Victor Novak, il est un héros à travers sa présence et les valeurs qu’il incarne et il ne fait que passer à travers le livre. L’histoire existe et demeure ; mais lui, passe. Je pense qu’un héros aussi proche des préoccupations de la société était indispensable dans la collection Bibliothèque Verte. Il aurait été peu opportun de présenter aujourd’hui un héros chevaleresque comme avant, un héros abstrait.

 

D.C. : L’idée est excellente. Bien sûr, la série télévisée ne s’adresse pas spécifiquement aux jeunes, elle est tous publics. Mais les raisons profondes qui font bouger ce personnage sont intimement liées à l’enfance : générosité, pureté, etc. Mettre L’Instit en Bibliothèque Verte, c’est une façon de pérenniser les ambitions que nous avions en créant cette série. C’est la mettre à la portée des adultes de demain.

 

 

À votre avis, quel impact pourrait avoir cette série romanesque sur les enfants d’aujourd’hui et sur les enseignants ?

 

G. : Je ne sais pas exactement, mais dans la mesure où c’est en corrélation avec la série télévisée, cela va faciliter aux enfants l’accès à cette lecture. D’autant plus qu’ils auront toujours des images de la série dans la tête. C’est une série qui leur ouvre l’esprit sur le monde dans lequel ils vivent, de manière affective. Et c’est un aspect fondamental. Je crois très fort qu’on ne peut sensibiliser les enfants aux grandes plaies du monde qu’en leur racontant des histoires : il s’ensuit une prise de conscience plus que probable. Il peut même y avoir un phénomène de projection de la part des enfants. Nous sommes dans la voie idéale, mais il y a encore beaucoup de travail à faire.

À travers le discours de L’Instit fondé sur l’acceptation de l’autre, l’antiracisme, etc., toute une réflexion peut se dégager. Cela peut être un point de départ de tout un travail de classe dont le but serait de parler des problèmes sans complaisance. Cette ouverture sur la réalité est, je le répète, très importante.

Il faut élever les enfants ; les tirer par le bas, c’est grave. Et tant qu’à avoir un héros autant que ce soit L’Instit et non un personnage complètement aseptisé, comme on en rencontre beaucoup trop et particulièrement à la télévision.

 

D.C. : Pour répondre, je me fonderais sur mes propres souvenirs de jeune lecteur. Ce qui me manquait alors, dans mes lectures, c’était une ouverture réaliste sur le monde. L’univers qu’on me présentait était un peu irréel, édulcoré… L’Instit constitue selon moi une littérature de proximité. Chaque enfant retrouvera là son univers (la classe, les copains, etc.). Mais en même temps, cet univers est transcendé par la force des aventures qui sont vécues. A un moment où l’on se pose des questions sur la vie, où l’on a besoin de comprendre, L’Instit apporte des éléments de réponse. C’est une série qui devrait aider les enfants à appréhender le monde d’aujourd’hui. L’Instit, c’est l’aventure de la vie.

 

 

Avez-vous rencontré, Gudule, des difficultés pour rendre accessible cette série grand public à un public enfant ?

 

G. : Quelques difficultés au départ, oui, parce que j’avais du mal à transcrire certaines scènes qui ne concernaient pas les enfants : j’ai supprimé, par exemple, de scènes où les adultes se draguent entre eux et d’autres éléments, abstraits, qui ne leur "parlent" pas. Cependant, c’est une gymnastique que l’on acquiert rapidement.

 

 

Avez-vous eu l’impression, Gudule, de faire une Å“uvre d’adaptation ou d’écrivains ?

 

G. : C’est indubitablement un travail d’écrivain, même si c’est un peu différent parce qu’il faut suivre un schéma prédéterminé : le scénario. Mais j’y ai mis toute mon âme. Les sujets que l’on a proposés aux auteurs ne sont pas innocents : j’ai travaillé sur des thèmes qui me touchent particulièrement et autour desquels d’ailleurs sont concentrés la plupart de mes romans. Une seconde chance, j’aurais pu l’écrire spontanément sans qu’on me le propose.

 

 

Avez-vous, Didier Cohen, retrouvé l’esprit de votre série dans l’adaptation romanesque ? Comment avez-vous perçu le rajeunissement opéré ?

 

D.C. : J’ai complètement retrouvé l’esprit de la série. Certes, il y a des différences d’approche, mais elles ne nuisent pas, au contraire ! La série Bibliothèque Verte va beaucoup plus loin dans la psychologie des enfants. Dans la série télévisée, L’Instit est au cÅ“ur de l’histoire et les enfants plus en retrait : ils apportent une touche de fraîcheur et d’humour. Dans les livres, en revanche, ils sont au premier plan : on entre dans leur univers, leurs problèmes et leurs états d’âme… Inversement, L’Instit, plus en retrait, garde cependant une vraie présence, rassurante et sécurisante. D’autre part, les auteurs ont apporté leur patte personnelle et leur style. J’ai eu l’impression de redécouvrir les histoires sous un éclairage nouveau. Les enfants, sans être dépaysés, s’ils connaissent les épisodes télévisés, trouveront dans les livres, indubitablement, un plus.

 

Les livres

 

Une série de 23 romans est parue dans la collection "Bibliothèque Verte", chez Hachette Jeunesse, en coédition avec Hamster Productions et France 2 Editions. Elle reprend les 25 premiers épisodes de la série télévisée, déjà diffusés  (à l’exception de ces deux épisodes : Les Chiens et les Loups et D'une rive à l'autre). Initialement, l’écriture des romans devait être confiée à trois auteurs. Gudule a écrit tous les titres de la série sauf Concerto pour Guillaume (Marianne Costa, BV n° 651, 1995) et Le Mot de passe (signé Sarah Cohen-Scali, BV n° 562, 1996). Les scénarios TV ont servi de base à un véritable travail de romancier, la gageure étant de rendre accessible à des enfants de 9 à 12 ans des histoires plutôt destinées à un public adulte.

 

Tableau présentant toutes les éditions, avec leurs dates de tirages et retirages connus, des romans signés Gudule : document PDF

 

BIBLIOTHÈQUE VERTE (Type 1 : broché, ill. sur fond blanc) (1995-1998 : 17 titres)
BIBLIOTHÈQUE VERTE (Type 2 : broché, ill. sur fond coloré) (1998-1999 : 6 titres)
BIBLIOTHÈQUE VERTE (Type 3 : reliure intégra) (2000-2003 : 16 titres)
FRANCE LOISIRS (coll. « Ma première bibliothèque ») (1996-1998 : 5 titres)

Suite aux novélisations... (récit de Gudule)

 

Vocation infirmière

 

      Suite à mes novélisations de la série L’Instit (1997-1999), une maison de production de téléfilms me contacte. Son but avoué : surfer sur la mode des thèmes sociaux.

      « Nous souhaitons, m’explique la jeune femme que j’ai au bout du fil, créer une héroïne de la trempe de L’Instit. Une infirmière qui prenne en main la destinée de ses semblables, et n’ait pas peur de "se mouiller" pour faire triompher la justice ou venir en aide aux défavorisés.

      Le projet me plaît. D’autant que, ayant adapté en livres une bonne trentaine d’épisodes de ce genre, j’en connais toutes les ficelles. Je donne donc mon accord de principe, et la dame me fixe rendez-vous une semaine plus tard avec toute l’équipe, pour une première prise de contact.

      « Si vous arriviez avec une idée-choc, cela nous ferait gagner du temps, suggère-t-elle. Et nous pourrions partir sur du concret. »

      Je me mets aussitôt au travail, et torche en quelques jours Elle ne parle pas, elle chante. C’est l’histoire d’une petite trisomique séquestrée par sa mère, entraîneuse dans un bar. Seule une chansonnette, s’échappant du réduit où elle est enfermée, trahit la présence de l’enfant dont nul ne connaît l’existence... Je bosse comme une malade pour finaliser mon récit avant le rencard, et me pointe à l’heure dite, assez contente du résultat. Le staff de production n’a pas du tout la réaction que j’espérais.

      « Une trisomique ! s’effarent toutes les personnes présentes. Non, ce n’est pas possible : Vocation infirmière sera programmé à une heure de grande écoute. »

      Bien que la logique de ce raisonnement m’échappe, je propose, conciliante : « Si c’est le physique de la petite fille qui vous dérange, elle peut aussi être autiste. Ce qu’il faut, c’est que sa mère ait honte d’elle, qu’elle n’assume pas sa différence. Et que l’infirmière, en lui ouvrant les yeux, lui permette de surmonter ses préjugés.

      – Votre scénario est excellent, assure un chauve à l’air affable, c’est l’handicapée qui pose problème. Les téléspectateurs sont là pour se détendre, vous comprenez ? Il ne faut pas leur montrer ce qu’ils n’ont pas envie de voir.

      – J’ai une idée, s’écrie quelqu’un. Si la petite fille était noire ? »

      Cette proposition recueille tous les suffrages.

      « Réécrivez l’histoire avec une Noire, me recommande-t-on, avant de me congédier. Et revenez nous soumettre votre nouvelle mouture la semaine prochaine. »

      Je n’y suis jamais retournée.

 

Extrait de : Gudule, Grands Moments de solitude (Rivière blanche, 2014, p. 173-175).

 

SOURCES ET RENVOIS POUR CETTE PAGE

 

  • Wikipédia

  • Françoise BIGOT-ORSINI & Isabelle DUBOIS, Dossier de presse L’Instit, Hachette jeunesse, 1995, 15 p.

  • Nina MITAMONA, Dossier jeunesse L’Instit, Travail d'études de Licence professionnelle Métiers du Livre, Multimédia, Université Paris X Nanterre, Pôle des Métiers du Livre, Saint-Cloud, année 2002-2003, 14 p.

  • Lionel LABOSSE, www.altersexualite.com

  • GUDULE, Grands Moments de solitude, Rivière blanche, 2014, p. 173-175.

  • Lionel GOURAUD, L'Instit, la télévision et le social : Problèmes sociaux et création audiovisuelle, thèse thèse de doctorat en sociologie dirigée par Michel Eliard, avec l'appui de Claude Rivals (Université de Toulouse-Le Mirail, 2003).

 

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