top of page

Prix littéraires et distinctions

ŒUVRES RÉCOMPENSÉES

DISTINCTION POSTHUME

 

2016 : Prix Masterton d’honneur pour l’ensemble de sa carrière

​

​

ŒUVRES POUR LES ADULTES RÉCOMPENSÉES

 

1995 : Prix du Jury littéraire Gérardmer-Fantastic’Arts : Le Chien qui rit : nouvelles (Denoël,1995)

1997 : Prix Ozone : Petite Chanson dans la pénombre (Florent Massot, 1996)

1998 : Sélection Prix Rosny-Aîné : Mon âme est une porcherie (Sortilèges, 1998)

1999 : Prix Ozone : Entre chien et Louve (Denoël, 1998)

2001 : Prix Masterton : Cadavre exquis (nouvelle dans l'anthologie De minuit à minuit, Fleuve noir, 2000)

2002 : Prix Bob Morane de la nouvelle, décerné par la Maison du Livre, Bruxelles : Journal d'un clone (Les Visages de l'humain, Mango, 2001)

2003 : Sélection Grand Prix de l'Imaginaire : La Petite Fille qui mordait ses poupées (nouvelle dans La Solitude du vampire, Librio, 2003)

2005 : Sélection Prix littéraire de la Ville de Balma : La Ménopause des fées (tome 1) : Le Crépuscule des dieux (Bragelonne, 2005)

 

 

ŒUVRES POUR LA JEUNESSE RÉCOMPENSÉES

 

1993 :   Prix du roman historique de Poitiers : Mort d’un chien (Hachette jeunesse, 1992)

 

1994 :   Sélection Prix France Télévision : La Vie à reculons (Hachette jeunesse, 1994)

          Livre sélectionné par Olivier Barrot pour l'émission "Un livre un jour" : L’École qui n’existait pas (Nathan, 1994)

 

1996 :   Prix "Graine de lecteurs" de Dieppe : L’École qui n’existait pas (Nathan, 1994)

          Prix des Écoles de Sucy-en-Brie : L’École qui n’existait pas (Nathan, 1994)

          Prix Chronos : La Bibliothécaire (Hachette jeunesse, 1995)

          Prix des Montagnes d'Auvergne de Clermont-Ferrand : La Bibliothécaire (Hachette jeunesse, 1995)

          Prix du Collège Malraux de Saint-Jean-de-la-Ruelle : La Bibliothécaire (Hachette jeunesse, 1995)

          Sélection de L'École des lettres, septembre 1996 : La Bibliothécaire (Hachette jeunesse, 1995)

          Prix des collégiens de la Ville de Vannes : La Vie à reculons (Hachette jeunesse, 1994)

          Prix Martinique du livre jeunesse : La Vie à reculons (Hachette jeunesse, 1994)

          Prix Ados Rennes/Ille-et-Vilaine : La Vie à reculons (Hachette jeunesse, 1994)

          Prix du Livre jeunesse de la Ville de Redon : La Vie à reculons (Hachette jeunesse, 1994)

          Prix Ruralivre du Pas-de-Calais : La Vie à reculons (Hachette jeunesse, 1994)

          Prix du Jury Lumière de Besançon : La Vie à reculons (Hachette jeunesse, 1994)

 

1997 :   Prix Jeunesse de la ville de Lagny : L’École qui n’existait pas (Nathan, 1994)

 

1998 :   Prix Coup de cœur de la ville de Bruxelles : La Vie à reculons (Hachette jeunesse, 1994)

          Prix littéraire des Trois vallées (Ville d'Amboise) : Le Manège de l’oubli (Nathan, 1997)

          Prix Tatoulu (Prix littéraire des écoliers, Ville de Paris) : Le Manège de l’oubli (Nathan, 1997)

          Sélection de la FNAC, juin 1998 : Destination cauchemar (Nathan, 1998)

 

1999 :   Prix Lire élire, Saint-Jean-de-Braye : Destination cauchemar (Nathan, 1998)

          Prix du Collège Mozart (Anet) : L’Envers du décor (Hachette jeunesse, 1996)

          Prix de la P.E.E.P. de Casablanca : La Fille au chien noir (Hachette jeunesse, 1998)

          Grand Prix de l'Imaginaire (catégorie roman jeunesse) : La Fille au chien noir (Hachette jeunesse, 1998)

          Prix de la Société des Gens de Lettres : J’irai dormir au fond du puits (Grasset jeunesse, 1999)

          Sélection FNAC novembre 1999 : L’Amour en chaussettes (Thierry Magnier, 1999)

 

2000 :  Sélection Prix Ados Rennes/Ille-et-Vilaine : L’Amour en chaussettes (Thierry Magnier, 1999)

          Prix des Incorruptibles : J’irai dormir au fond du puits (Grasset jeunesse, 1999)

          Sélection Prix PEEP : J’irai dormir au fond du puits (Grasset jeunesse, 1999)

          Sélection Grand Prix Jeunesse France 2 et 3 : Villa des dunes (Grasset jeunesse, 2000)

          Prix des Collégiens de la Nièvre : La Fille au chien noir (Hachette jeunesse, 1998)

 

2001 :  Prix ADOS-LIRE du Pays de Lorient : J’irai dormir au fond du puits (Grasset jeunesse, 1999)

         Prix littéraire de Neuilly-sur-Marne, Neuilly-Plaisance : La Bibliothécaire (Hachette jeunesse, 1995)

           Prix "Livre élu 2001" en Haute-Loire : La Maison cannibale (Pocket jeunesse, 2000)

           Prix 7 tours d'or, Martel : Les Bonbons de l’épouvante (Mango  jeunesse, 2000)

           Sélection Prix du Polar de Montigny-lès-Cormeilles : Barbès blues (Hachette jeunesse, 2001)

 

2002 :   Sélection Prix des Incorruptibles : Le Monstre de la purée (Grasset jeunesse, 2001)

          Deuxième Prix des Collégiens de la Ville de Vannes : J’ai 14 ans et je suis détestable (Flammarion, 2000)

          Sélection Prix des Incorruptibles : Ma petite sœur a des super pouvoirs ! (Magnard jeunesse, 2001)

 

2003 :   Sélection Prix RTL : Papy et la fée (Grasset, 2002)

          Sélection Prix Ados Rennes/Ille-et-Vilaine : Regardez-moi ! (Flammarion, 2001)

          Prix Jack London (Colomiers) : L'Adolescent de minuit (Florence Degliame, 2001)

          Prix des Écoliers de la Ville d’Échirolles : Sirène (Lito, 2003)

 

2004 :  Prix Chronos : L'Intruse (Magnard, 2002)

 

2005 :  Sélection Prix Ados Rennes/Ille-et-Vilaine : Impasse du Nord (Hachette jeunesse, 2003)

 

2008 :  Sélection Prix Croqu’livres : Une princesse dans la classe (P’tit Glénat, 2007)

 

2009 :  Prix L’Encre d’or de la Ville de Fouesnant : Merci qui ? (Archipoche, 2008)

          Prix du Jury des jeunes lecteurs de la Ville du Havre : La Poupée aux yeux vivants (Nathan, 1999)

Œuvres recommandées par l'Éducation Nationale :

  • La Bibliothécaire

  • La Vie à reculons

  • Après vous M. de La Fontaine

Anecdotes racontées par Gudule au sujet de prix

 

Sources : blog de Gudule et son ouvrage Grands moments de solitude (Black Coat Press, coll. « Rivière blanche », 2014).               

 

 

 

Daniel, Danièle

 

      Démarrer dans la profession d’auteur pour la jeunesse n’est pas chose aisée. En vivre, encore moins. Heureusement, dans les années quatre-vingts, des instances officielles soutenaient les débutants, en particulier le ministère de la jeunesse et des sports qui, tous les ans, dotait généreusement un roman inédit.

      « Tu devrais présenter un manuscrit Â», m’avait conseillé un ami écrivain, lui-même lauréat quelques années plus tôt.

      Pourquoi pas ? À condition de trouver une idée originale, bien sûr... Mais laquelle ?

      La vie m’offrit sur un plateau un sujet selon mon cÅ“ur.

      À cette époque, j’avais une amie transsexuelle qui, comme c’est parfois le cas, avait une curieuse allure. Ni tout à fait femme, ni tout à fait homme, elle affrontait quotidiennement le regard de ses contemporains, dont la palette allait de l’ironie au mépris, voire à une franche hostilité. Ma fille Mélanie, alors âgée de sept ans, l’adorait, si bien que j’avais fini par l’embaucher comme baby-sitter. Les mercredis après-midi, pendant que j’étais au bureau, elles se baladaient au bois de Vincennes, musardaient sur les grands boulevards, faisaient du shopping ou allaient au cinéma, et Mélanie rentrait toujours enchantée de ces escapades. Elles étaient si complices que ma fille avait pris l’habitude de l’appeler « maman » en public, ce qui clouait le bec aux préjugés et donnait à Danièle l’illusion d’être enfin une "vraie" femme. La maternité, c’est le label de féminité par excellence, non ?

      Sur cette relation que je trouvais adorable, je brodai un petit roman à ma manière, où se côtoyaient l’humour, le suspense et l’émotion, puis, très contente de moi, j’envoyai mon Å“uvre à qui de droit.

      Le résultat fut proclamé quelques mois plus tard, au cours du salon de Montreuil. Le cÅ“ur battant, je m’y rendis.

      Or, non seulement Daniel, Danièle ne fut pas retenu, mais après avoir remis les prix, le président du jury annonça qu’il avait une déclaration à faire. En substance, il souhaitait que « les candidats qui seraient tentés d’envoyer des textes scabreux, mettant en scène des travestis ou des maniaques sexuels, veuillent bien s’en abstenir ».

      « Je vous rappelle que ce prix est destiné à promouvoir une Å“uvre littéraire de qualité, non à faire l’apologie des déviances Â», conclut-il, sous les applaudissements.

      Certes, il ne m’avait pas regardée, en disant ça, puisque les envois étaient anonymes. Mais comme j’avais piqué le fard de ma vie, j’eus le sentiment que toute la salle se tournait vers moi, et qu’on me montrait du doigt en chuchotant : « C’est elle, la salope qui pervertit notre belle jeunesse ! »

      J’ai eu du mal à m’en remettre, et Daniel, Danièle est resté dans mes cartons. Il y est toujours. M’exposer à un autre camouflet aurait été au-dessus de mes forces !

Bombe sexuelle

 

      L’Amour en chaussettes, quel souvenir !

      Le projet était parti d’un gag potache entre l’éditeur Thierry Magnier et moi.

      « J’ai toujours eu envie d’écrire un bouquin de cul pour les gosses, m’étais-je écriée, un jour où nous buvions un coup.

      – Et moi, j’ai toujours eu envie d’en publier un, avait-il répondu du tac au tac.

      – Chiche ?

      – Chiche ! Cochon qui s’en dédit ! Â»

      Propos d’ivrognes, me direz-vous. Eh bien, pas du tout. Le soir même, je me mets au travail et, un petit mois plus tard, le manuscrit trône sur le bureau de Thierry.

      Qu’est-ce qui peut pousser une écrivaine pour la jeunesse à de telles extrémités ? Le goût immodéré de la provocation ? L’alcool ? Un mauvais fond, tout simplement ? Non, rien de tout cela. À cette époque, je rencontrais beaucoup d’ados qui, sitôt qu’ils se sentaient en confiance, me faisaient part de leurs inquiétudes et de leurs angoisses. Les plus récurrentes concernaient l’amour – non sous l’angle physique dont ils connaissaient toutes les arcanes par le cinéma et la télévision, mais sous celui du ressenti. « Comment ça se passe, la première fois ? me demandaient-ils. Ça fait quel effet ? Qu’est-ce qu’on éprouve exactement ? On a mal ? On a peur ? On a honte ? ». Qui aurait pu répondre, les yeux dans les yeux, à des questions aussi précises ? Les profs ? Les infirmières scolaires ? Les parents ? Non, un livre... Parler de sentiments, d’émotions, d’impressions, de sensations, c’est le boulot des écrivains. Ils ont les mots pour. De plus, avec un texte, nulle confrontation gênante. L’auteur est seul face à sa page, le lecteur également. L’écrit préserve la pudeur de l’un comme de l’autre, et l’information passe tout en douceur.

      L’Amour en chaussettes raconte donc un dépucelage, par le biais du journal intime de la dépucelée. Et, en plus, il prône le préservatif...

      Thierry adore.

      Le bouquin sort quelques semaines plus tard ; succès immédiat. Il est sélectionné pour le grand prix de la ville de Rennes. Et c’est là que les choses se gâtent. Des collèges privés montent au créneau et réclament que ce livre abject soit viré de la sélection – ce que les organisateurs refusent. Les protestations, par le biais d’associations de parents d’élèves, parviennent au rectorat, qui donne raison aux organisateurs. Qu’à cela ne tienne : les défenseurs de la morale, transgressant le règlement (qui exige que, par équité, tous les votants aient lu les sept ouvrages en lice) l’éliminent purent et simplement. Leurs élèves ne liront que six romans au lieu de sept, me retirant d’office toute chance de gagner le prix.

      Et comme si ça ne suffisait pas, ma boite aux lettres est inondée de courriers d’insultes –  dont une partie envoyés par des mômes à l’évidence téléguidés par des adultes. J’imagine mal un gamin de quatorze ou quinze ans criant au scandale et appelant à l’autodafé parce que les héros d’un livre jouent à touche-pipi !

      Bref, en me rendant, cette année-là, à la remise du prix (qui, bien entendu, m’est passé sous le nez, alors que L’Amour en chaussettes arrivait en tête du classement, dans les établissements publics), je n’en menais pas large. Je craignais d’être accueillie par des huées, voire des tomates pourries. Il n’en fut rien, heureusement. Et deux ans plus tard, le livre ressortait chez Pocket, dans la collection « Toi + moi » – une sorte de série Harlequin pour pré pubères. La bombe était désamorcée...

Les sentiers de la gloire

 

      Il y a une bonne douzaine d’année, j’avais publié chez Grasset un roman intitulé J’irai dormir au fond du puits. Le secteur jeunesse venait d’être créé, et c’était mon premier livre dans cette prestigieuse maison d’édition. Or, voilà t’y pas que, quelques temps plus tard, Marielle Gens, la directrice, m’annonce :

      « Ton livre a obtenu le prix de la Société des Gens de Lettres ».

      Ç’aurait été le Goncourt, l’Interallié ou le Femina, j’aurais pas été plus contente. Je ne me sentais plus pisser, dis donc ! Arrive le jour de la cérémonie, qui se déroulait dans le magnifiques hôtel de Massa. Petits fours, ronds de jambes, etc. Tout le gratin littéraire était là. J’avais mis un pantalon propre et des baskets neuves, et bu une coupe de champagne, histoire d’avoir la pêche. Vient le moment de la remise du prix et des discours. DU discours, en fait, car je compris vite que mon livre, aucun des membres du jury (une dizaine d’écrivains style académiciens, entre soixante et quatre-vingt-dix ans) ne l’avait lu. Pas même le monsieur qui s’y est collé, et qui, pendant dix bonnes minutes, a fait des jeux de mots laborieux sur mon nom. De mon roman, censé avoir été élu pour ses qualités littéraires, personne n’a pipé mot. En revanche, le staff Grasset a été encensé pour avoir, une fois de plus, fait briller haut et fort le phare éblouissant de la culture française.

      Je suis repartie, frustrée à mort, avec mon p'tit diplôme sous le bras. Et quand on m’a demandé si j’étais heureuse, j’ai dit oui. Dès le lendemain, un joli bandeau rouge ornait la couverture du bouquin. Plein de gens l’ont acheté car il avait l’aval de SGDL. Et quand les droits d’auteur sont tombés, j’ai dit merci. J’allais pas, en plus, cracher dans la soupe !

Crème brûlée

 

      En 1996, La Vie à reculons obtient simultanément le grand prix de Rennes, de Vannes et de Redon. Je suis donc invitée dans ces trois villes de Bretagne, à des dates différentes, pour y recevoir ma récompense. Or, si cette cérémonie se déroule sans encombre à Rennes et à Redon, il n’en est pas de même pour Vannes, où je m’illustre par une bourde retentissante.

      La bibliothécaire municipale, que je connais déjà pour l’avoir rencontrée sur un salon du livre, vient m’accueillir à la gare.

      « La remise du prix n’a lieu qu’à quatorze heures, m’annonce-t-elle. Nous aurons tout le temps de déjeuner avant. Je vais vous emmener dans un petit resto dont vous me direz des nouvelles ! Â»

      L’endroit est plaisant, en effet, et la carte alléchante – bien qu’au-dessus de mes moyens. Me voyant hésiter, mon accompagnatrice précise :

      « Ã‰videmment, vous êtes notre invitée ! Â»

      Soulagée, je passe ma commande sans regarder les prix. Plats copieux, bon vin, excellents fromages, et pour finir, une crème brûlée à se rouler par terre. C’est elle, je crois, la goutte qui fait déborder le vase – car j’ai le foie sensible et suis peu habituée à bâfrer de la sorte. À peine sortie du restaurant, je commence à me sentir mal. Sueurs froides, vertiges, nausées, voile noir devant les yeux...

      Bien que je lutte de toutes mes forces contre le malaise (on a sa dignité, tout de même !), arrivée devant l’hôtel de ville, mes jambes ne me portent plus. Au grand dam de la dame, je m’effondre sur les marches en avouant dans un souffle : « Ça ne va pas très bien ». Affolement général. On m’entoure, on m’apporte un verre d’eau, on m’évente ; rien n’y fait. Pendant ce temps-là, un flot incessant de collégiens, profs de français en tête, défile à mes côtés. Et je les entends chuchoter : « C’est l’écrivain, tu crois ? » « Qu’est-ce qu’elle a ? » « Elle est évanouie ? »

            Un long moment passe. La salle est archi-comble ; le maire s’impatiente. Les organisateurs, de plus en plus fébriles, font la navette entre la bibliothécaire, qui se lamente près de moi, et les instances officielles. Par ma faute, le bel hommage rendu à la littérature, qu’ils préparent activement depuis des mois, est en passe de tourner court...

Pétrie de culpabilité, je parviens enfin à me lever et, en titubant, pénètre dans la salle sous les applaudissements. Le maire qui, pour tromper l’attente, remerciait au micro les différents sponsors de l’événement – Conseil général, Préfecture, Rectorat du Morbihan, Banque Populaire etc. –, s’interrompt et me présente un fauteuil où je m’affale. J’écoute la suite dans un demi-coma, incapable de réagir, alors qu’on attend de moi un petit discours de circonstance (que, par ailleurs, j’ai préparé).

      « Notre auteure est terrassée par l’émotion, remarque le maire, histoire d’alléger l’atmosphère.

      – Par le pinard, oui ! Â» lance une voix dans l’assistance.

      Les rires qui ont suivi, même si je vis centenaire, je ne les oublierai pas.

Les moonboots

 

      En 1995, l’un de mes livres, Le Chien qui rit, recueil de nouvelles paru chez Denoël, obtient le prix littéraire du festival Fantastic'Arts de Gérardmer. C’était la première année où ce festival du film fantastique couronnait également une Å“uvre littéraire. Afin de recevoir dignement mon prix, j’étais donc invitée, durant les cinq jours que durait de la manifestation, dans cette petite station de ski des Vosges, en plein hiver. Mon éditeur, Jacques Chambon, m’accompagnait (ou plutôt, c’était moi qui l’accompagnais, car il assistait chaque année au festival, tandis que pour moi, c’était une grande première).

      J’ai toujours aimé voyager léger – c’est-à-dire avec le minimum de bagage : un slip de rechange dans une poche et une paire de chaussettes dans l’autre.

      « Dans une station de ski, me dis-je, avec une logique qui me semblait imparable, on porte des après-ski ».

      J’avais acheté, quelques années auparavant, une paire de moonboots qui ressemblaient à s’y méprendre à celles portées par Tintin dans On a marché sur la lune ­â€“ ­sauf que les miennes étaient écrues avec des rayures de toutes les couleurs, genre torchon à vaisselle (c’est-à-dire horriblement démodées). Je les enfilai donc, ainsi qu’un jean, un pull à col roulé et une doudoune. Pour me rendre d'une salle de cinéma à l’autre, cela me paraissait la tenue adéquate.

      Hélas, c’était compter sans la réception prévue par Denoël pour la remise du prix !

      Je vous laisse imaginer ma tête quand je me suis retrouvée, accoutrée de la sorte, dans le restaurant le plus chic de Gérardmer, face au jury qui avait élu mon livre et se composait d’une Régine Deforges en robe du soir, d’un Didier Van Cauwelaert, d’un Jean-Jacques Pauvert, d’un François Nourissier en costard-cravate, et d’une assemblée triée sur le volet...

      C’est donc le rouge au front que j’ai reçu, sous les applaudissements polis des invités, une somptueuse gerbe de fleurs des mains de Régine Deforges (qui devait sincèrement se demander à quel genre d’extraterrestre elle avait affaire). Après avoir baragouiné d’inaudibles remerciements – au lieu du petit discours réglementaire, que j’avais pourtant soigneusement préparé –, j’ai couru me planquer derrière mon assiette, suivie par le regard goguenard de Jacques Chambon qui, depuis longtemps, ne se faisait plus d’illusions sur moi.

      J’étais si perturbée que j’ai oublié ma gerbe sur un guéridon, à la fin du repas !

bottom of page